lundi 31 octobre 2016

LE SALAGOU, PRADINES, JEROME OU LA VIE SAUVAGE. . .


Le principe des blogs fait apparaître les articles les plus récents en premier, c’est un peu déroutant lorsque l’on fait des articles à épisodes…




Ce texte fait suite aux articles des 25 et 29 octobre sur le Salagou et Jérôme.



Avec l’ébauche que j’y fais de son portrait, on pourrait s’attendre à un personnage hors norme, un sage Hermite ou un rebelle solitaire refusant d’entrer dans le rang…


Non, Jérôme était un marginal, lorsque je dis cela, je ne porte aucun jugement, nous nous sommes vite rendu compte que son existence était plus proche de la clochardisation que d’un choix délibéré de non-conformisme, il ne refusait pas de rentrer dans le rang, il n’en avait jamais compris les règles, mais le personnage était attachant, démuni en tout, il dévoilait ses richesses à qui voulait bien l’écouter et l’accepter comme il était. C’est ainsi qu’a débuté une amitié de plusieurs années. Et c'est pourquoi je souhaite vous en faire partager l'histoire.


Il avait peint « MAIRIE » au-dessus de sa porte et s’était lui-même élu maire du village et seul administré.


Il vivait, disait-il, des portraits qu’il faisait des quelques randonneurs qui passaient par là l’été. Nous avons compris, plus tard, qu’il vivait avec sa pension d’invalidité (il ne lui restait que 80% d’un seul poumon) il était évident que ce qu’il gagnait avec ses dessins ne suffisait pas à le nourrir. Cependant, il disait qu’il avait appris le métier de portraitiste à Montmartre et qu’il y avait exercé longtemps. C’était vrai car, comme le personnage était un peu roublard, j’avais eu envie de savoir. Je m’y étais rendu quelque temps après, et j’avais questionné de vieux peintres sur la place du tertre. L’un d’eux se souvenait de lui et m’avait donné des détails qui correspondaient avec ce que disait Jérôme. Notamment qu’il était passé par la case prison dans sa jeunesse.

Jérôme se disait d’origine polonaise et qu’il y avait encore sa maman mais il ne la voyait plus.

Roublard, il l’était, car il changeait de personnage selon les interlocuteurs en présence. Au début de notre rencontre, vu le contenu que prenait notre conversation il s’était dit anarchiste. Il disait que Léo Ferré lui rendait visite de temps en temps, et il insistait bien sur le fait que lui, lorsqu’il venait, c’était les bras chargés de victuailles et qu’il ne repartait pas sans laisser quelques billets.



Je le laissais se raconter une vie idéale. Il savait que je n’étais pas dupe, une pudeur bienveillante s’était installée entre nous.


     Lors de cette première visite, nous étions restés quelques jours à bivouaquer aux alentours du village. Lorsqu’il avait vu que je ne crachais pas sur le cannabis (il y a prescription maintenant) il s’était prétendu hippie et nous avait raconté qu’au début de sa vie à Pradines la maison était une communauté dont les membres étaient partis les uns après les autres. Il en était le seul rescapé. Là aussi, il y avait un brin de vérité car il nous avait montré un vieil article de la presse locale de l’époque titré : Des Hippies à Pradines…


Je pense que s’il était resté vivre à Paris, il serait mort sous un pont. Il était bien démuni et n’avait jamais acquis les moyens de s’armer contre les difficultés d’une vie socialement bien réglée. Au village, il s’était reconstruit un personnage. Il était maire, hippie, peintre, anarchiste… et chacun de ces personnages laissait une empreinte sur la rencontre du moment. Il recevait des lettres des gens qui l’avaient rencontré à Pradines. Certaines très élogieuses. Il m’en avait lues plusieurs.


Mais, la solitude était profonde. Il la supportait avec la dive bouteille qui l’accompagnait et l’aidait à calmer bien des douleurs. Des récentes et de très anciennes… Nous nous étions laissé aller à des confidences.


Il me semble bien ne l’avoir jamais vu ivre, pourtant, il descendait bien ses quatre litres de gros rouge par jour, et malgré ses problèmes respiratoires, il fumait comme un pompier… il était solide le gaillard !


Il fallait bien qu’il le soit car, si l’été était chaud, l’hiver était rude au village, le chauffage rudimentaire et les fenêtres tout autant. La présence du lac rendait le vent glacial.


Et puis, il ne passait pas dans le village que de sympathiques randonneurs, le lieu attirait de la misère. Des arsouilles du coin qui venaient se planquer là lorsque ça devenait un peu chaud pour eux en ville… Jérôme avait quelques cicatrices récentes. Elles ne s’étaient pas faite en tombant dans l’escalier.


Il était roublard, je l’ai dit, mais honnête. Lors de notre premier séjour à Pradines, j’avais un jour oublié mon porte-monnaie  chez lui. De retour deux jours après, il me l’avait redonné : il ne manquait rien…


Nous nous sentions en totale sécurité chez lui.


Il cultivait un petit jardin au-dessus du village. Il l’arrosait grâce à une source qui devait alimenter Pradines dans les temps anciens.


C’est cette source qui lui fournissait l’eau de boisson.


Il recevait son courrier chez des bergers qui habitaient une petite maison au bord du lac entre Pradines et Celles. Ils lui faisaient ses courses et lui ramenait son vin… la mort dans l’âme car le berger m’avait dit un jour qu’il avait suggéré à Jérôme de se faire soigner de son alcoolisme mais sans succès.
Ceci dit, c’est l’alcool qui le maintenait. Si on le lui avait supprimé, il n’aurait pas résisté longtemps.


Dans un prochain article, je raconterais notre deuxième visite. cette photo date de cette visite

Jérôme en papa hippie



Cette photo date des dernières années de Jérôme à Pradines, la maison était très dégradée


Cette photo date de l'hiver 80. Elle vient du blog de Sirius http://veaugues.over-blog.com/article-souvenirs-121721460.html



1 commentaire:

  1. C'est avec un mélange de plaisir et d'émotion que je vois ressusciter Jérôme par ton travail! Refusant la société et ses moules, il avait préféré se reconstituer son propre univers, qui à ce qu'une partie soit faite de souvenirs inventés. Oui, nous lui apportions un "cubi" de rouge à chacune de nos visites...

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