vendredi 23 décembre 2011

Dans le Queyras



    Nous venions de tout en bas, du creux de la vallée. Nous avions décidé de monter jusqu’à un lac : le grand Laus du Malriff. Nous pensions avoir fait le plus dur du chemin. Nous nous le sommes dit à chaque passage de crêt « ça y est on arrive » persuadés que le chemin ne pouvait pas continuer à monter encore. Et chaque crêt en cachait un autre, puis un autre… plus loin, plus haut. Et nous montions toujours, avec l’espoir d’apercevoir enfin le lac espéré. Ça valait le coup, nous sommes passés par des paysages extraordinaires. La montagne nous a donné le meilleur qu’elle pouvait. Il faisait bon, pas trop chaud, pas trop de vent, de beaux passages ensoleillés. Nous avons rencontré des animaux bizarres. 

Nous avons croisé des animaux bizarres

des moutons égaré

    Nous avons croisé des moutons égarés. Nous avons vu des marmottes qui se remettaient du rouge à lèvres à l’entrée de leur terrier (pas de photos, elles ne m'ont pas donné l'autorisation de publier leur image)… Nous étions fatigués, mais contents lorsque, enfin, Le grand Laus s’est offert à nous. Magnifique ! bordé de jolies linaigrettes.





   La descente a été dure elle aussi, mais quel plaisir à l’arrivée d’aller manger une bonne omelette aux champignons à la guinguette à Didier au camping de Ristola, route de la Monta. (Joli camping pour vrais campeurs tenu par Didier, pilier de rugby, et amoureux du Queyras dont il sait partager la passion)

mercredi 21 décembre 2011

Conjonction d'intérêt / intérêts qu'on joint - (Madrid 05 / 2010)

Lequel a besoin de l’autre ?


C’était notre dernier jour à Madrid, ma femme et moi. Nous allions appeler un taxi pour qu’il nous conduise à l’aéroport. En chemin, nous sommes passé Calle de Toledo, devant cette boutique de bonbons. La quantité impressionnante de friandises, leur rangement, l’attention apportée à l’agencement des couleurs me donnèrent envie de prendre une photo. Nous étions pressés ; pas le temps de bien cadrer ou de traverser la rue pour prendre la vitrine de face. Ce n’est qu’après notre retour, en regardant la photo avec davantage d'attention, que nous avons remarqué la pancarte blanche sur le balcon. Étrange association, non ?

mardi 20 décembre 2011

l'anniversaire



En entrant dans la salle, les yeux de Jean avaient fait le tour de la pièce. D’un regard, il avait tout compris. Amélie, était là, assise à la grande table de ferme. Elle lui souriait. Derrière elle les enfants guettaient sa réaction. Dans le fond de la pièce, toute la famille trépignait d’impatience. C’était le moment, le chant jaillit : Joyeux anniversaire !
Il sentit l’émotion le prendre par le ventre puis lui monter dans les côtes pour le serrer à la gorge. Son visage marquait la stupeur. La bouche ouverte, il regardait l’assemblée sans rien pouvoir prononcer. Puis ses épaules se détendirent et dans un soupir, il se mit à sourire puis à rire.
Il avait enfin compris pourquoi sa petite fille l’avait entraîné en ville l’après-midi. ça l’avait bien étonné un peu, elle qui se voulait indépendante. Mais il s’était dit : « Elle veut peut-être un conseil pour un achat ».
Il avait compris pourquoi ces chuchotements, ces regards entendus depuis quelques jours, pourquoi les odeurs de cuisine et de gâteaux.
Il avait tout compris. Il les aimait. Ils l’aimaient. Et grâce à eux, il s’aimait lui-même.

lundi 19 décembre 2011

Le François




Le François… dans d’autres provinces, on soupçonnerait dans ce « le », un petit relent de dédain. Les Parisiens notamment l’interprètent mal et y voient une sorte mépris, mais ici, en Franche-Comté, c’est une façon amicale de préciser que celui dont on parle est connu et reconnu. C’est l’habitude, c’est le François, celui d’ici. C’est presque de l’affection. C’est un LE enraciné dans le terroir et la coutume.
Le François, donc, était commis de ferme. Il logeait dans une chambre vétuste que lui avaient réservée les patrons dans le fond d’une remise. Il était sec comme une trique, tout en muscles, le visage anguleux et portait toujours le même chapeau de paille, par tous les temps. Ce qui m’impressionnait, j’avais six ou sept ans à l’époque, c’était qu’il était borgne et sa paupière constamment fermée, semblait cousue et cacher une cavité creuse. Il marchait bizarrement parfois et faisait des gestes un peu désordonnés. Je ne l’ai jamais vu sourire, souvent en colère, il valait mieux ne pas passer trop près de lui, car il avait la main leste et il nous attrapait pour nous secouer et nous crier dessus en grognements agacés.

Un jour que je sortais de l’étable, mon petit bidon de lait à la main pour rapporter à la maison le précieux breuvage, je le vis de loin, debout devant le tas de bois qu’il venait de fendre, bougeant les bras et les mains comme s’il s’adressait à quelques interlocuteurs invisibles. Comment faire pour éviter d’entrer dans son périmètre d’action, alors que très concentré sur mes mouvements pour ne pas verser une goutte, je devais l’observer du coin de l’œil ; faire attention aux bordures de l’allée, au chien qui immanquablement allait venir quémander une caresse et au lait qui tanguait dangereusement dans le bidon ? Comme je négociais le premier virage de l’allée en corrigeant ma trajectoire en fonction de ses mouvements, je le vis s’asseoir lourdement sur les bûches. Ses jambes allongées dépassaient maintenant sur l’allée et il me faudrait, pour atteindre la route, passer très près de ses pieds. L’opération me paraissant trop risquée, l’idée me vint de retourner à l’étable et trouver un prétexte pour rester un peu pendant la fin de la traite et attendre son départ. Mais comme je commençais mon demi-tour, un dernier coup d’œil au François me fit douter qu’il fût pris par le sommeil et comme je m’approchais à nouveau, je constatais qu’en effet, il dormait avec des ronflements sonores. Il ne sentait pas très bon.

J’ai compris bien des années plus tard, ayant appris comment les hommes trouvent toutes sortes de moyens pour soulager leurs douleurs, qu’il avait souvent soif, et pas que d’eau minérale !

dimanche 18 décembre 2011

Les champigons




Les champignons de l'oncle Albert.

     
Mon oncle Albert, le chasseur, avait deux passions : la chasse et la cueillette des champignons. S'il avait essayé sans succès de m'initier à la première, je partageais la seconde avec jubilation. Albert n'avait pas besoin de livre, c'était un livre.
Antoinette, sa femme, était plus réservée. Craintive, elle était plus à l'aise sur le marché, devant un étalage de champignons de Paris, que devant le panier de trompettes des morts, de morilles ou de chanterelles que lui apportait son mari. Il est vrai qu'Albert, truculent jusque dans la gastronomie ne manquait pas de lui proposer de découvrir le satyre puant ou de goûter à son phallus impudicus, de préférence devant témoins, ce qui la rendait perplexe, et nous hilares, évidement.
Tu comprends, me disait-il, lorsque je ramène une belle récolte de ceps de Bordeaux, elle en emmène les trois quarts au marché pour les vendre une somme astronomique. Pour elle ce sont des champognons, voilà tout ! Y'a plus de poésie... Pour récolter un champignon, faut lui faire la cour. Il faut y mettre de la tendresse, du sentiment. Avant de lui demander son nom, faut le regarder... sans trop d'insistance... pour ne pas te laisser emporter par l'ivresse de la rencontre. La rencontre, c'est quelque chose. Tu la recherches, tu l'attends, tu l'espères. Tu y crois très fort, puis un peu moins, elle tarde, tu languis, tu n'y crois plus. Tu vas rentrer bredouille devant les quolibets avec ton panier vide le rouge au front. Et puis la voilà, au moment où tu ne t'y attendais plus. Attention, tu es saoul. Ton cœur bat. Ne te fais pas avoir. D'abord, tu remarques le chapeau, tu en apprécies les couleurs, si elles te plaisent tu vas plus loin. Tu regardes le pied s'il est comme tu l'attends tu regardes sous la jupe la forme de son cotillon. Y-a-t-il un anneau ? Dans ce cas il faudra être prudent. Tu évoques des souvenirs des ressemblances. La confiance s'installe, et enfin il te donne son nom. Tu peux l'emporter.
– Et tu le manges.
– Plus que ça : c'est la communion.
– La communion ! ! ?
– oui la communion, tu partages l'objet de ta foi pour le manger avec ceux qui la partagent avec toi ».
L'oncle Albert me plongeait parfois dans une stupeur hébétée pendant laquelle j'essayais en vain de détricoter la toile de ses pensées pour en suivre le fil. Il guettait ma réaction puis il reprenait :
– oui tu partages ta foi, car tu y crois à ces champignons. Ceux qui sont à ta table aussi  partagent cette croyance qui est : Ils sont bons à manger.
– wouai tonton, t'es un mysticologue toi.
–  Bravo mon jean, t'as compris. Y'a une mystique dans le champignon. Regarde les convives devant un plat de morilles, il y a ceux qui ont confiance. Pour ceux là, pas de problèmes, ils iront au paradis. Il y a ceux qui doutent, mais qui veulent y croire pour ne pas se démarquer. Ceux là, auront droit à un petit paradis. Ils trouveront les champignons bons mais avec une petite arrière pensée : et si on se trompait ? Et puis il y a ceux qui ne croient que ce qu'ils voient, qui ont besoin de preuves, les rationalistes impénitents. Ceux ci devront attendre le repas suivant pour monter au septième ciel... et encore, s'ils ne sont pas trop obtus. »
Je buvais ses paroles.
– Tonton, t'es un livre.